Tu vas participer aujourd'hui à 19 heures un débat au Grand Auditorium de l'Hôtel de Ville de Paris organisé par tes amis de la Ligue des droits de l'Homme et la section de Paris des Amis du Monde Diplomatique sur le thème : "Algérie 1962 : de quoi les Pieds-noirs ont-ils eu peur ? ". Ou plutôt, de quoi ont-ils eu peur ? Ce débat fait suite à la parution dans Le Monde Diplomatique de mai 2008 du reportage de Pierre Daum et de Aurel : « Sans valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie » et après la sortie du film de Jean-Pierre Lledo : "Algérie, Histoires à ne pas dire". Bref tout un programme préparatoire avec les grands moyens dont disposent depuis 1962 celles et ceux qui en France essaient de justifier les "crimes contre l'Humanité" commis en Algérie après le 19 mars que tu as dénoncés, avec tes amis Jean Daniel et Jean Lacouture, dans ton premier ouvrage (N.D.L.R. "Fille de Harki" aux Editions de l'Atelier).
A ce débat, animé par Georges Morin, président de l'association Coup de soleil, participeront Pierre Daum, Mohammed Harbi, Jean-Pierre Lledo (sous réserves), Gilles Manceron et Benjamin Stora. Et le dessinateur de presse Aurel dessinera en direct lors du débat. Bref que de tes "amis" pieds-rouges, pieds-gris ou pieds-roses. Mais aucun de tes vrais amis "pieds-noirs" dont la présence évidemment aurait pu troubler le bel arrangement de cette messe préparatoire à la prochaine visite du Président algérien en France.
Comme le disait dans le Figaro du 27 mai 2000 Franz-Olivier Giesbert, à une époque où tu ignorais tout des "Harkis", qui s'était bien passée durant 38 ans avant ton subit intérêt pour leur cause : " Ils portent sur leur visage douloureux le masque de la confiance trahie. Le même que celui des Harkis algériens à qui la France a tant menti, en les exploitant jusqu'à l'os, avant de se laver mes mains sur leur sort. Pour avoir cru en nous, des dizaines de milliers de Harkis furent égorgés, dépecés ou bouillis vivants par les vainqueurs du FLN. Mais nous n'avons pas entendu leurs cris, ni les protestations des survivants. Depuis le temps, ils n'ont pas toujours troublé notre digestion ni notre bonne conscience. Nous avons tout de suite été guéris, puisque nous n'avions pas été blessés. La repentance est dans l'air du temps. Mais elle aussi a ses oubliés".
Il en est de même pour les Pieds-noirs dont les intervenants semblent vouloir ignorer les massacres, crimes et enlèvements dont ils ont été les victimes de 1954 à 1964. N'étant pas invités, nous comptons sur ta solidarité pour le leur rappeler. Car il ne faudrait pas, comme le disait déjà Maurice Benassayag dans sa réponse à Régis Debray dans le Nouvel Observateur du 14-20 mars 1991, mais tu as - compte tenu de ton jeune âge - des excuses pour l'ignorer : "Décidément, il y a une écriture stalino-gaulliste de l'histoire. Elle devient insupportable sous la plume des zélotes gaullophytes". Elle l'est encore plus de la part de Français complices des crimes du FLN. En espérant que ces quelques réflexions ne troubleront pas les prochains repas des intervenants officiels de cette rencontre. Les Associations de Pieds-noirs et de Harkis, qui se battent depuis 1962 pour que Vérité et Justice soient enfin rendues à notre communauté, sont naturellement à leur disposition, comme à la tienne, pour en débattre devant les médias. A condition d'être invités !
Avec mon meilleur souvenir.
Bernard Coll*
Secrétaire général de JPN
*Au service des PN et Harkis de façon continue depuis 1974, né à Alger (Bab-el-Oued) - 1947 - Cadre (ER), Co-auteur avec Taouès TITRAOUI, fille de Harki rescapée du massacre du 19 mars 1962, du "Livre des Harkis" (1991).